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28 | APPROCHES THÉRAPEUTIQUESPRÉVENIR LE SUICIDE CHEZ LES JEUNES PAR UNE APPROCHE PSYCHOSOCIALERémiJe suis assistant social. Donc, je ne parlerai pas de thérapies mais d’un modèle d’intervention sur un territoire géographique, le Haut-Rhin : deux grandes villes Colmar, Mulhouse et un tissu rural très important.Une approche psychosociale va de la prévention à la prise en charge : « tous concernés ».Le but de SEPIA est que la chaîne des acteurs fonctionne, sans trop de rupture, de la prévention aux soins ; du dépistage jusqu’aux soins, dans la fluidité, sans rupture.L’association SEPIASEPIA est un espace interstitiel pour les jeunes qui tombent entre les structures, entre les dispositifs. SEPIA a 23 ans, une époque où le taux de décès chez les jeunes était très élevé. Il a énormément baissé et on a du mal à en pointer les raisons, en France. La prévention du suicide a fait d’énormes efforts. Les taux ont été quasiment divisés par deux. C’est encore trop peu comme dirait Marie Choquet. La baisse est moindreMaintenir la vigilanceNotre stratégie de prévention et de prise en charge est basée sur la formation des intervenants en première ligne sur notre département. En cela, c’est une approche territoriale qui peut être réalisée ailleurs. On a essayé de créer un filet qu’on entretient en permanence. Chaque année, nous faisons trois stages de trois jours, pour 20 intervenants du département, afin de maintenir un état de vigilance au sein des professionnels. Gendarmerie, pompiers, urgences, foyers, milieu scolaire, chaque milieu est représenté. Chacun d’entre eux, au cours de sa vie professionnelle, va forcément rencontrer des jeunes en souffrance. Cette vigilance peut être utile à leurs collègues ou dans leur vie. Lors de l’annonce des stages, les sessions sont complètes en 15 jours. La demande est importante. Elle l’est, parce que beaucoup de professionnels sont en difficulté.Comment mettre en place des modalités de rencontres et de prises en charge acceptables par ces jeunes ? Nous nous sommes toujours définis comme étant une alternative en matière de santé mentale. Alternative, ne signifie pas mieux ou moins bien, simplement différent. Venant de la psychiatrie, notre souci constant est de ramener vers le soin, en créant un maillage départemental, qui couvre l’éducatif, le social, le médical ou l’insertion. Chacun est potentiellement un agent de prévention ou une ressource d’aide. Cela fonctionne dans les deux sens. Ils peuvent nous signaler des cas, comme nous pouvons avoir besoin d’eux, sur une mission locale, par exemple, pour un profil particulier. Le dispositif vise les jeunes de 11 à 24 ans. Auparavant, la tranche INSERM allait de 15 à 24 ans pour élaborer les statistiques. On voit de plus en plus de très jeunes qui ne vont pas bien.L’accent sur les parentsLes parents sont dans le dispositif, car ce sont les premiers concernés. Ils sont inquiets pour avoir repéré ou non des changements ou d’autres signes. Ils ne savent pas quoi faire, vers qui se tourner, parce qu’il est compliqué de faire la démarche, de prendre le téléphone, de dire « mon fils, ma fille va mal ». Ils ne savent pas à qui s’adresser et n’ont pas de repères de confiance. Nous avons mis en place un dispositif pour essayer de les toucher, via les cabinets de médecins généralistes. Les professionnels sont aussi une cible pour le dépistage, pour leur offrir une aide technique.Un exemple récent : une infirmière nous a appelés. Elle évoquait le cas d’une fille qui s’était balafrée, qui parlait de suicide, qui disait vouloir sauter des voitures en marche, car une voix le lui disait. Le choix de l’infirmière était fait. Elle devait l’hospitaliser, mais elle nous a quand même appelé, pour valider son avis, parce que même professionnelle, elle était un peu perdue.Beaucoup de parents repèrent le mal-être de leur enfant par des changements de comportement ; il ne dort plus, il ne rigole plus, il ne s’amuse plus, il ne veut plus sortir avec ses copains ... Ils se disent : « Cela va passer. C’est l’adolescence. »Nous avons conçu des affichettes pour les 700 cabinets de médecins généralistes du Haut-Rhin. Ils sont les premiers professionnels de confiance. Mais nous avons aussi accompagné ces envois, d’un message pour les médecins. C’est un dispositif qui n’est pas acquis uneBadoc que dans les autres pays d’Europe. Auparavant, il y avaitDirecteur de l’association SEPIA (Lutte contre le suicide des jeunes)une quasi absence de prévention. Il y a 25 ans, des colloques sur le suicide, à part dans des milieux très fermés, étaient rares. En aucun cas, on n’en parlait, par exemple, en milieu scolaire. Il n’y avait pas d’actions de formation, et ainsi de suite. Cela n’existait pas.Le terme est fort, mais il y avait une inadéquation de certains services hospitaliers à l’accueil des jeunes. Je viens de la psychiatrie, où je travaillais en pédopsychiatrie au centre hospitalier de Rouffach. A l’époque, ce qui n’est plus vrai aujourd’hui, il n’y avait pas de structure d’accueil pour adolescents. Ce qui voulait dire qu’aux environs de 15 ans, un jeune était hospitalisé en service pour adultes. Et nous savons que les mineurs sont hospitalisés en service fermé. Cela peut être compliqué pour un jeune de se retrouver en service fermé. Il y avait quelque chose qui n’allait pas, mais ce n’était pas spécifique à notre département. C’est un constat qui a été fait au niveau national, du refus de certains jeunes à aller consulter dans le service de psychiatrie. La démarche est souvent difficile.Le modèle québécoisJ’y suis allé faire un voyage d’étude, là-bas, dans l’organisme Suicide Action Montréal. Tout le Québec est couvert par des centres de prévention du suicide. Ils ont mis en place une approche qui était totalement différente de la nôtre, très centrée à la fois sur les urgences, la réanimation et sur les services de psychiatrie. Les Québécois avaient un autre discours qui était « cela concerne tout le monde » : le professeur, l’animateur de football, l’assistante sociale du collège, le centre médico-psychologique (CMP), le généraliste. J’ai l’habitude de dire que nous avons besoin d’avoir des yeux et des oreilles dans la communauté. Le dépistage, n’est pas mon boulot. C’est celui de tous les gens qui vivent et travaillent au quotidien avec ces jeunes. Comment améliorer le dépistage et améliorer l’accès à une ressource d’aide ? Il se développe des actions de recherche sur le suicide qui sont très intéressantes. Je vous renvoie aux travaux de Monique Seguin sur les trajectoires de vie des personnes suicidées. C’est passionnant ! On se rend compte que lorsqu’on on s’occupe de jeunes, on peut sans doute modifier certaines trajectoires.


































































































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