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26 | REPÉRAGE DES SITUATIONS À RISQUES Les limites d’InternetD’une génération à l’autreFil Santé Jeunes accompagne, depuis 20 ans, une génération d’adolescents et attend la suivante, les enfants de ceux que nous avons aidés, en souhaitant que cela n’arrive pas. Futurs appelants, futurs internautes, Fil Santé Jeunes continuera à les aider à en finir avec leur envie de mourir. Fil Santé Jeunes sera toujours un pont particulier, comme celui qui existe dans l’État de New York aux États-Unis, le pont de Whitestone. Il a cette particularité d’avoir, à chacune de ses extrémités, un poste téléphonique installé par les autorités, pour que les gens qui ont envie de sauter dans l’eau puissent éventuellement en être dissuadés en voyant les deux postes téléphoniques. Fil Santé Jeunes va continuer à faire la même chose et se trouver à chaque extrémité pour empêcher les suicides et permettre aux plus fragiles de continuer leur route sans tomber.Internet crée le lien mais il peut être destructeur.Notre dispositif a ses limites dans l’univers des « geeks », où Internet prend le pas sur le monde réel. L’écran de l’ordinateur devient alors un miroir. Mais, c’est un miroir aux alouettes, où le reflet de l’adolescent ne fait qu’auto-alimenter son mal-être et empêcher de chasser ses mauvaises pensées. À ce moment- là, le cadre fictif de l’écran se transforme en prison virtuelle dont il est difficile de se sortir. C’est un monde fascinant et souple, où l’on se rêve à aller mieux, une relation virtuelle, où malheureusement, le mieux-être l’est souvent tout autant. Les suicides sont d’autant plus rares que les liens sociaux sont plus forts, disait Durkheim en 1897. Internet est une toile qui peut se refermer sur celui qui souffre. Internet crée le lien mais il peut être destructeur.Les adolescents qui vont mal ont tendance à s’isoler et à se prétendre trop timides ou trop émus pour utiliser le téléphone. Ils privilégient l’écrit plutôt que l’oral. Sur ce plan , internet prend tout son sens et son importance. Il représente aujourd’hui notre principale source de connaissances sur les jeunes qui se retranchent dans la solitude et dans leur chambre, avec comme seule fenêtre sur l’extérieur, celle de l’écran de l’ordinateur. Il est plus facile de fermer un tchat que de raccrocher un téléphone. D’après les études, un adolescent qui va mal a, aujourd’hui, le réflexe d’aller sur Internet, plus que d’aller vers le CMP de secteur, malheureusement. Internet permet de repérer des jeunes en dehors des structures ou protocoles de soin. Sur le moteur de recherche, le plus connu, Fil Santé Jeunes apparaît en premier résultat sur les 416 000 proposés, comme réponse aux requêtes : « jeune j’ai des idées suicidaires » ou « mal-être, envie de mourir, surpoids ». Fil Santé Jeunes devance les 22 400 autres résultats.Notre objectif est de pouvoir faire sur Internet ce qu’un jeune au téléphone, a un jour conclu, en fin d’appel : « Je vais essayer de plus penser à vous, qu’au suicide. » L’écran de l’ordinateur redevient alors le moniteur originel, celui qui guide, qui montre le chemin et qui rassure.