Page 16 - COLLOQUE-FSJ_32P.indd
P. 16

16 | LA DÉPRESSIVITÉ À L’ADOLESCENCEDU COUP DE BLUESAUX IDÉES NOIRESCapucineDuboisÉcoutante-rédactrice psychologue sur le dispositif Fil Santé JeunesChaque année, sur filsantejeunes.com, nous proposons aux jeunes de donner leur propre point de vue, sur des sujets qui nous semblent les préoccuper particulièrement. Nous réalisons deux enquêtes par an. Les deux sujets de cette année, sont « Du coup de blues aux idées noires » et le second « La sexualité, un sujet brûlant ». Donc, Thanatos et Éros. Voici les tendances qui se dégagent en ce qui concerne la première. Elle a été mise en ligne en avril 2015 et est active jusqu’en janvier 2016. Au-delà des chiffres, elle reflète ce que les jeunes disent, eux-mêmes, de leur état émotionnel, comment ils se sentent, et ce qu’ils mettent en place pour faire face à leur mal-être.Par rapport à la dépressivité, je fais l’hypothèse que la très forte pulsionnalité, les différentes métamorphoses pubertaires, le vacillement narcissique de l’adolescence, sont autant de raisons pour un jeune de trouver un peu de répit dans une forme de dépression. La dépressivité, l’action d’être en dépression de l’adolescence, me semble une conséquence d’une sur-activation psychique dont l’intensité est telle que, se déprimer, peut permettre de se relâcher, de se détendre : peut-être, parfois de régresser afin de supporter aussi la pression. Phrases entendues : « Ne me mets pas la pression », « La pression est trop forte » ; pression des parents, des professeurs, celles qu’ils se mettent eux-mêmes.Être à la hauteurTémoignage :« Ça va faire plusieurs mois, qu’entre mes parents et moi, plus rien ne va. Il ne se passe pas une seconde sans qu’ils me reprochent quelque chose. Je ne suis pas une fille méchante et désobéissante, mais je ne suis jamais à la hauteur. »« J’ai peur de me bloquer pour les prochains, car je n’ai pas eu une bonne première expérience sexuelle. Peur que, comme je n’ai pas très bien vécu ça, je ne sois pas vraiment capable d’être à la hauteur. »« J’ai l’impression d’avoir trop voulu faire plaisir et bien faire. Du coup, je me sentais maladroite. J’ai toujours la peur de mal faire. Je me sens obligée d’être à la hauteur. »250 adolescents ont répondu intégralement à l’enquête. Cela nous donne une idée des jeunes qui viennent sur le site. Et puis, cela leur redonne la parole. L’interactivité sur Internet, c’est une des façons d’être en interactivité avec eux.Sur ces 250, 40 % d’entre eux disent qu’ils se sentent plus ou moins bien en fonction des jours. Il y en a 38 % qui se disent plutôt malheureux, voire très malheureux. La statistique est à circonstancier, si l’on considère que ce sont des jeunes qui viennent sur FilSantéJeunes. Mais, cela nous donne une indication de ce qu’ils disent eux-mêmes, de leur état émotionnel.Au travers des appels, des tchats et des mails, nous avons accès à ces moments de profond désespoir qui peuvent également correspondre à des questions existentielles propres à cette période de transition de l’adolescence.Témoignage :« Bonjour, je voulais savoir si c’est normal d’avoir des pensées suicidaires à mon âge. PS : j’ai 13 ans. »« Où sommes-nous avant d’être conçus ? Sommes-nous inexistants, sans âme, sans émotion ? »Comment répondre à ces questions ? En fait, ils interrogent la vie et ils interrogent aussi le contrôle qu’ils peuvent avoir sur celle-ci. Et, parfois, ils nous expliquent qu’ils n’en peuvent plus.« Bonsoir, je vous écris ce soir car je ne sais vraiment plus quoi faire. Je n’arrive plus à vivre, je n’en ai plus la force. »Ils nous livrent « bruts », ces moments d’interrogation sur la vie, la mort, leur capacité à supporter la pression, les changements, les transformations Ils n’ont pas encore décidé d’en faire eux-mêmes quelque chose. C’est comme si la dépressivité ressentie, à ce moment- là, était préalable à une tentative de réponse à cette instabilité, à ce vacillement entre deux états.Ils cherchent des solutions. Une adolescente se sentait mal, avant, pendant et après le bac. Et puis le bac est passé et son état reste le même : «J’aimerais vraiment comprendre pourquoi ce mal-être reste en moi et trouver une solution. »En tant que professionnels de santé, ce sont les solutions qu’ils mettent œuvre qui nous intéressent. D’où la question : « Quand tu te sens triste ou malheureux, pour toi, la meilleure façon d’aller mieux, c’est... ? » C’est une question ouverte. Nous avons pu déterminer quatre grands types de réactions possibles. Les deux premières sont la créativité et la destructivité. Ensuite, viennent la décharge physique et la socialisation.La créativité : Écrire un poème pour se libérer d’un poids lourd sur son cœur, peindre, dessiner, faire du théâtre, écouter de la musique, jouer, rêver, se plonger dans un livre, chanter, ...« Je me raccroche à des films, des chansons ou des sketches des années 80. »La destructivité : Fumer, avoir recours à des drogues, se scarifier, se faire du mal, fuguer, mourir, ...« Je me mutile depuis huit mois. Aujourd’hui, je me sens capable d’en arriver au suicide. Je ne sais plus quoi faire. J’ai peur. Je sais que je suis capable de tout quand je ne suis pas au meilleur de ma forme. »« Ça va bientôt faire quatre mois que je me scarifie. Au début, ce n’était pas grand-chose, mais maintenant, je me fais saigner et j’ai des cicatrices. »La décharge physique« Je fais du sport, je me masturbe, je vais courir. »« La seule solution que j’ai trouvé pour décompresser et ne pas penser à tout cela, c’est de manger. »La socialisation« Parler à mon meilleur ami, aller au cinéma, parler à ma mère me font du bien, aller au centre équestre, parler à mes chats. »


































































































   14   15   16   17   18