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Ces catégories sont imparfaites, elles se recoupent. Mais, ce qui est intéressant, c’est la diversité des réponses possibles face à un mal-être identifié.Les jeunes nous donnent à voir une large palette, nuancée, permettant de jouer sur différents plans. On retrouve l’idée du jeu, afin de ne pas s’isoler ou cristalliser son mal-être dans une seule réponse unique et sclérosante.Par ailleurs, on a souvent l’habitude de considérer les comportements autodestructeurs : les conduites à risque, les scarifications, le recours à la drogue, comme des conséquences du mal-être. Les jeunes, identifient ces comportements, non pas comme une conséquence, mais comme une réponse au mal-être. Un jeune précise également : « Je ne fais rien. J’aime la souffrance que j’éprouve, car elle est la seule part de vérité. » Donc, la souffrance peut-elle être également une façon de se sentir exister ?L’auto-destruction peut exprimerle désir de vivreCe qui nous préoccupe le plus, en tant que professionnels, c’est lorsqu’ils mettent en péril leur vie. Ils essayent de répondre au mal-être par l’anéantissement. Il y a 30 % de ceux qui ont répondu à l’enquête, qui ont déjà fait une tentative de suicide. L’épuisement est la raison principale pour laquelle ils ont tenté de se suicider : « J’en ai marre d’avoir peur, je n’en pouvais plus. Je ne supportais plus rien. Je pensais que mourir était la meilleure solution. J’ai peur de l’avenir. »Il y en a, également, qui nous parlent d’événements douloureux, du harcèlement, d’attouchements sexuels, de ruptures amoureuses. Parfois, aussi, ils ont peur de vivre. Il y a un jeune qui nous dit : « La peur de l’inconnue nourrit ma peur de vivre. » Alors, on notera, non sans amusement, que c’est un garçon qui écrit et que l’inconnue est au féminin. C’est bon signe.La piste qu’ils nous donnent pour les aider, à travers leurs réponses à cette enquête, c’est que leur auto- destructivité n’est pas uniquement l’expression du mal-être mais aussi l’expression de leur désir de sortir de celui-ci. Et, pour nous, l’enjeu, c’est de les aider à utiliser toute la palette des réponses possibles, de les aider à sublimer, à créer des réponses qui puissent leur permettre de supporter la pression et la dépression.Autoriser la déprimeRécemment, nous avons demandé à des jeunes ce que signifiait, pour eux, les idées noires. En ayant conscience de sa plaisanterie, un jeune a répondu : « Une idée noire, c’est une idée que j’aie quand je ferme la lumière. » Winnie-Kot dit un peu la même chose. Quand il est d’humeur dépressive, l’enfant, quel que soit son âge, ou même l’adulte, jette une couverture sur la totalité de sa situation interne. Il laisse tomber sur elle, comme pour la contrôler, un brouillard, une brume, une sorte de paralysie permettant que l’humeur s’allège et que le monde intérieur, de l’enfant, de l’adolescent revienne à la vie. Fil Santé Jeunes favorise une parole des jeunes décomplexés sur leur relation à la mort, mais aussi à l’existence. L’adolescence est un moment où certains jeunes expérimentent pour la première fois, la déception et le désespoir. Les accompagner dans cette première fois, c’est pouvoir entendre leur souffrance, les écouter pour connaître et comprendre ce qu’ils ont imaginé comme solution. Mais, c’est aussi les autoriser à déprimer, sans chercher à tout prix à résoudre prématurément cette position dépressive. Churchill disait : « C’est dans les nuits les plus noires que l’on voit les plus belles étoiles. »« La peur de l’inconnu nourrit ma peur de vivre »LA DÉPRESSIVITÉ À L’ADOLESCENCE | 17


































































































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